Un autre aspect de mon travail de luthier: la restauration.
Voilà le violon qu’un musicien vient de m’apporter:

du travail en perspective
Il ne s’agit pas d’une « colère » d’Arman.
C’est (c’était…) un magnifique violon français du 18ème siècle.

violon cassé avant réparation
Devant un tel désastre, je suis tout d’abord saisi d’effroi.
Puis, une fois le choc passé, je dois réfléchir: par où commencer?

recollage de fractures de table
Je décide de recoller les fractures de la table:
avant toutes choses, il faut, si certaines sont sales (colophane, graisse, crasse), les nettoyer parfaitement avec une petite brosse et de l’eau très chaude. Puis, une fois sèches, positionner les deux lèvres parfaitement, en restituant l’état original de la voûte, à l’aide de serres-joints et de cales. Enfin, chauffer la fracture avec une lampe à alcool, insérer la colle chaude et serrer délicatement.

Serres-joints et cales
Dans le cas présent, des morceaux de table ont été perdus.
Il faut alors en recréer de nouveaux, retrouver la même densité de bois, ajuster parfaitement la pièce et la tailler en respectant le modèle original.
Voici la table telle que je la reçois:

Un coin et un bord de la table ont été arrachés
La voilà une fois le coin et le bord remplacés:

Un nouveau coin et un nouveau bord de table
Enfin, il faut revernir les parties neuves:

Coin et bord après raccord de vernis
C’est ce qu’on appelle un « raccord de vernis ». C’est une opération extrêmement délicate. Il faut retrouver la couleur, la pâte et la texture du vernis original. Mais, de plus, lui donner un aspect patiné, vieilli, afin que la restauration se fonde dans l’ensemble.
Le reste de l’instrument a – relativement- moins souffert.
Il s’agit maintenant essentiellement de recollages. Néanmoins, c’est un vrai puzzle: les éclisses, contres-éclisses, coins, tasseaux, tout est en vrac.

Eclisses, contres-éclisses et fond avant recollage
Il s’agit là d’un travail de patience:
Recoller une à une toutes les parties, en attendant que chacune soit bien sèche avant de passer à la suivante. Une fois toutes les parties en place, on peut « tabler » et « fonter » l’instrument: recoller la table et le fond sur les éclisses, au moyen de « vis à tabler « et de serres-joints.

Vis à tabler et serres-joints autour du coffre du violon
Voici maintenant le violon restauré:
Je suis content de moi!
Et, pourtant, je dois rester modeste. Parce que restaurer un instrument, ce n’est pas s’exprimer artistiquement. C’est respecter et retrouver l’esprit initial du luthier, se fondre dans son style.