Alto – Viola

Laurent Zakowsky vous expose ses principes de fabrications’ ses histoires personnelles et des témoignages d’altistes jouant ses instruments.

Chers amis musiciens et les autres aussi

Pour ces fêtes de fin d’année, voici un petit reportage sur ma dernière création. Je vous laisse la découvrir en épisodes

Montrer mon travail
Lyre à bras silençophonique

Depuis le début de mon apprentissage de luthier, je me questionne sur l’origine du violon. On sait qu’il apparaît à la Renaissance, au début du XVIème siècle, en Italie du Nord, en ignorant quel fut (ou furent) précisément son (ou ses) concepteurs. Mais, quelques décennies plus tôt, vers 1470, un autre instrument, qu’on peut considérer comme son prédécesseur direct, la « lyre à bras » (lira da braccio en italien), est inventé en Toscane, à la cour des Médicis. Elle est la création des humanistes de l’ « école platonicienne », ayant à sa tête le philosophe Marsile Ficin

Joueur de lira da braccio par Bartolomeo Cincani vers 1500

Un sujet en particulier passionne ces philosophes et artistes :

la Magie, et plus précisément l’alchimie et l’hermétisme. En effet, quelque temps plus tôt, Ficin vient de faire publier un texte ésotérique, « De Vita Coelitus comparanda » (comment obtenir la vie par le ciel),  dans lequel il explique comment fabriquer des objets dotés de pouvoirs magiques, des « statues animées ». A la lecture de cet ouvrage, on comprend que Ficin décrit point par point le procédé de construction de la lyre à bras, en expliquant comment obtenir tels ou tels effets en fonctions des détails symboliques à observer, des matériaux à utiliser, des paroles et chants à exécuter en s’accompagnant de cet instrument.

En 1482, Léonard de Vinci, disciple de Ficin et virtuose de cette lyre à bras, part à Milan, à la cour de Ludovic Sforza, lui en offre une de sa propre fabrication, en forme de crâne de cheval et en argent, et subjugue l’assistance par son jeu. Tout porte à croire que Léonard a appliqué les principes de son maître, incorporant des éléments végétaux, animaux et humains dans la forme de l’instrument. Quant au matériau, de toute évidence, il a passé un vernis particulier qui donne au bois l’aspect de l’argent. Tout un passage du livre de Ficin explique les procédés « alchimiques »  pour « transmuer » un matériau en un autre. Or, en lisant plus avant ce grimoire (car c’en est un), je m’aperçois qu’il existe d’autres recettes et procédés pour aller encore plus loin dans ce projet alchimique : comment mêler entre eux des éléments anthropo-zoomorphes, comment donner au bois l’aspect de l’or. Et, surtout, Ficin nous indique comment produire, par l’instrument, le son des planètes, des anges et des démons, qui n’est autre que le silence du Monde ….

Je suis un artisan rationnel et pragmatique. Ma réalité est faite de copeaux, d’outils, de compas et de mesures. Pourtant, quelque chose me sidère dans ce que je découvre.

C’est alors qu’un désir impérieux s’empare de moi: poursuivre l’œuvre de Léonard. Fabriquer cette fameuse lyre ultime et écouter son silence… Je décide de me lancer dans ce projet fou.

La suite au prochain numéro…

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