
Le manche fut un pur exercice de sculpture. Il était en tilleul. Je m’étais fixé un cahier des charges lié à la symbolique et à l’esthétique du projet : il devait comporter une touche, une mortaise pour faire passer mes cinq cordes centrales, un espace au-dessus pour la cheville retenant les deux cordes « en bourdon » et se terminer par deux excroissances d’inégales longueurs et inclinaisons, devant évoquer à la fois des doigts humains et des branches d’arbre. Je taillais le tout avec mon rabot droit, mes canifs, limes et ratissoirs.


Je terminais le « pied de manche », la partie collée au coffre, en calculant l’angle que les cordes devraient dessiner par rapport au coffre une fois l’objet terminé. Ainsi ma création était terminée « en blanc », selon la terminologie de la lutherie .



Tout au long de la fabrication de cette lyre, j’avais cherché à appliquer les principes hermétiques et alchimiques de la Renaissance. Mais j’arrivais maintenant à une étape cruciale : le vernis !
Quand j’habitais à Venise, j’avais rencontré un luthier très érudit, qui avait fait lui aussi beaucoup de recherches sur la lutherie ancienne. Il avait retrouvé une recette de « fond de bois », une préparation dont on enduit l’instrument avant de le vernir, à base de cendre de sarments de vigne. Celle-ci, selon les textes de l’époque (XVème siècle), « donnait de la voix à l’instrument ». J’appris plus tard que l’élément chimique constitutif de cette mixture s’appelle le « silicate de potasse ». Il a en outre la propriété d’oxyder le bois et de lui donner une teinte dorée absolument magnifique. Je commençais donc à appliquer ce fond de bois sur ma création.


Suite et fin au prochain épisode
Quel talent Laurent ! Magnifique magnifique….
Merci Nicole.